mercredi 3 août 2011

En finale: New York-Montréal

Ceux qui me connaissent savent que j'ai déjà fait Montréal-New York. Refaire ce trajet dans l'autre sens n'avait rien d'une corvée, au contraire: à tous ceux qui se cherchent un voyage à vélo de plus d'une journée, je recommande fortement cet itinéraire. Il est beau, il n'est pas trop lourd en côtes (moins que Montréal-Boston). Et il y a le facteur psychologique: que vous partiez de Montréal ou de New York, ça vous donne, au bout de la route, un objectif puissant, le genre d'objectif de nature à donner de l'énergie pendant les moments difficiles...

Très important, le facteur psychologique: bien plus important que d'avoir des jambes d'athlète. Le vélo, ça se passe dans la tête bien plus que dans les jambes.

J'ajoute à cela que tout au long de l'État de New York, on suit un itinéraire balisé pour les cyclistes —itinéraire qui, au contraire de celui que propose souvent notre Route Verte, est la route la plus directe. Ca se traduit par des panneaux verts "Route 9", qui conduisent de Rouses Point, à la frontière québécoise, jusqu'au pont George-Washington, par lequel on entre sur l'île de Manhattan. Ou vice-versa.
C'est la route que Josée Nadia et moi avions suivi scrupuleusement en 2006, mais il y a aussi des alternatives possibles. Par exemple, cette fois, puisque j'arrivais par New York, j’ai décidé d’explorer un peu ce qu'il y avait au nord de cette ville, et les 80 premiers km ont ainsi été un mélange de pistes, d'avenues résidentielles et de banlieues dont je n’avais jamais entendu parler: Elmsford, Scarsdale, Yorktown Heights... Après quoi, un col à franchir, et retour sur la route no 9.
La dernière partie du voyage : du nord de Manhattan (A) jusqu’à Rhinebeck (B) via des banlieues du nord-est de New York (27 juillet) puis Albany, la capitale de l’État de New York et Glens Falls (C, le 28 juillet), puis un détour par Burlington, Vermont (D, 29 juillet) avant les 150 derniers km jusqu’à Montréal (31 juillet), avec le village de Rouses Point (E) à mi-chemin.
Sur la piste cyclable North County Trailway : le pont du parc Kitchawan, un peu avant Yorktown Heights (75 km au nord de Manhattan). Lisez bien l’avertissement sur le pont.
Charmant petit café communautaire en entrant à Yorktown Heights... avant de s'apercevoir que c'est un Starbucks!

Incidemment, saviez-vous que la fameuse avenue Broadway, qui parcourt l'île de Manhattan du sud au nord, c'est la route 9? Si jamais, le long de l'Hudson ou du lac Champlain, vous entrez dans un village dont la rue principale s'appelle Broadway... vous savez maintenant pourquoi!
Une fois de retour sur cette route 9, on longe de plus ou moins loin la rivière Hudson jusqu’à la capitale, Albany . Villages tranquilles, jolies perspectives sur les Catskills, de l’autre côté de la rivière : la branche locale des Appalaches qui n’auront décidément jamais été loin dans ce voyage. Et pendant une grosse centaine de kilomètres, le parcours est plat... pour un cycliste qui en a long dans le corps, ça ne se refuse pas!
Ci-bas: à Castledon-on-Hudson, village à 15 km au sud d’Albany.
Et c’est ainsi que, toujours en suivant ces panneaux « vélo », on traverse un pont à Rensselaer pour entrer à Albany. On est alors à environ 230 km de New York, à 450 km de Montréal.

Albany : un centre-ville animé (du moins, il l’était ce jeudi-là), des autobus avec supports à vélo bien sûr...
... euh... il y a des résidents moins pressés que d’autres!
Presque toutes les capitales des États américains ont cet édifice avec une coupole dorée sur le dessus. Ci-haut, la coupole dorée serait censée être sur la tour de gauche. Je ne savais pas que ce truc pouvait s’enlever!
Ce chien montait déjà la garde quand Josée Nadia et moi sommes passés en 2006...

Et ensuite? D’abord, la banlieue d’Albany se prolonge sur 25 km vers le nord, sur les deux rives de l’Hudson...
... et le parcours en terrain plat, lui, se poursuit bien plus longtemps. Une autre centaine de km après Albany, d’abord le long de la rivière puis le long du canal Champlain, creusé au 19e siècle pour relier le lac Champlain à l’Hudson (ci-bas, une écluse, à Waterford).
Résultat, pour les Québécois, voici une région injustement méconnue, entre Albany et le sud du lac Champlain : la grosse agglomération, Glens Falls / Hudson Falls, est à 350 km de Montréal, soit à peine plus que Montréal-Québec. Les amateurs de vélo ont de quoi y trouver leur compte, ceux de randonnées pédestres aussi —les montagnes, rappelez-vous, ne sont pas loin— et le lac George est juste à côté.
Et si c’est l’Histoire qui vous intéresse, il y a toujours Ticonderoga (ci-haut) : petite ville au bord du lac, mais surtout ancien fort français, à 250 km au sud de Montréal.

La rue principale s’appelle Montcalm. Ils n’ont pas encore appris la nouvelle, eux?

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Je connais mieux mon continent depuis que je le pédale
Je ne sais pas pourquoi les distances me fascinent autant. C’était pareil dans mes randonnées de quelques jours. Mais j’ai remarqué une chose qui se produisait en moi ces dernières années, à mesure que je m’éloignais de Montréal : voyager autant à vélo donne une nouvelle vision de la géographie. Celle d’une région ou d’un continent. Comme je l’ai écrit l’an dernier : « Je connais mieux mon continent depuis que je le pédale ».

L’idée n’est pas de convaincre les autres —vous, par exemple, qui lisez ceci— que « vous aussi, vous pourriez faire tout ça ». Je n’ai pas cette ambition. L’idée est plutôt « eh, si moi, j’ai fait ça à vélo, c’est que ça n’est pas aussi loin que je l’imaginais ».

Car il est indéniable que, dès qu’il s’agit des États-Unis, nous avons l’équivalent d’un écran devant les yeux, qui s’appelle la frontière : pour les Montréalais, 300 km vers le sud, jusqu’au bout du lac Champlain, nous semble beaucoup, beaucoup, beaucoup plus loin, que 300 km jusqu’à Québec. Ou même 600 km jusqu’à Toronto.
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J’aurais pu continuer ainsi à remonter fidèlement la route 9 jusqu’à la frontière. Comme je savais qu’un dernier col m’attendait au sud de Plattsburgh, j’ai décidé de prendre un traversier à Essex pour faire un détour par le Vermont et ainsi, finir la journée à Burlington.
Le soleil couchant sur le lac Champlain, à Burlington, 30 juillet 2011.
Je suis souvent allé à Burlington ces dernières années. C’est une ville étonnamment dynamique pour sa petite taille et, à mes yeux, beaucoup plus intéressante, plus intelligente, que Plattsburgh. Et puis, qui pourrait résister à Ben & Jerry?

Burlington est, elle aussi, injustement méconnue : elle n’est qu’à 150 km de Montréal... la distance de Trois-Rivières!

Et 150 km sur un terrain à peu près plat —les plus grosses côtes sont aux km 10-20 après Burlington— ça se fait en une journée... surtout quand on sent la ligne d’arrivée!
Un dernier café en sol américain à Rouses Point, à 1 km de la frontière —le meilleur moka glacé de la région, tous pays confondus!...
... un poste-frontière où j’ai eu le plaisir d’entendre le douanier me poser la question « où êtes-vous allé » pour avoir le plaisir de lui répondre « Nouvelle-Orléans, monsieur! »... Ce qui n’a guère semblé l’impressionner. Bon, c’est mon deuxième voyage « transcontinental » : les douaniers canadiens seraient déjà blasés?
... et les premiers tours de roue au Québec en 3200 km pour me redonner goût à l’asphalte québécoise, unique en Amérique du nord!
Mais je ne veux pas finir sur une note négative. La piste du canal Richelieu, c’est tout de même très beau aussi. Je me demande d’ailleurs si les habitants de Saint-Jean savent qu’ils habitent sur la route de la Nouvelle-Orléans? Ça leur ferait une belle publicité, non?

Bon, j’arrête là. 24 jours, 11 États américains, 3300 km. C’est un maudit bon vélo.

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